Handicap et communication
Le droit à la communication est un enjeu majeur quand on parle de respect et de dignité de la personne en situation de handicap. Bien qu’un droit humain fondamental, il est souvent négligé. Les raisons sont multiples, je suis bien placée pour le savoir : difficultés à mettre en place un outil de communication, fatigue des parents, manque de formation, de temps …
Pourtant, l’accès à la communication non seulement est un préalable au développement d’autres compétences ou à l’autonomie mais elle est surtout indispensable pour le bien-être et la santé mentale de la personne.
Personnellement, parmi toutes les batailles que je mène en tant que mère d’un jeune en situation de handicap, celle de l’accès à une communication satisfaisante me tient tout particulièrement à cœur car je peux témoigner de la prodigieuse évolution de Pablo grâce à la CAA (Communication Alternative Augmentée) et de l’énorme impact que celle-ci a eu sur toute la famille.
Nombre de troubles du comportement découlent d’un manque de communication. Rien que pour cela, on devrait s’intéresser à la question d’un point de vue purement égoïste et pratique en tant que parents ou professionnels. Essayez de communiquer un message sans utiliser le langage oral ou écrit. Pas simple, n’est-ce pas ? Essayez d’anticiper votre semaine sans agenda ni horloge. C’est la panique garantie !
Mais ne vous trompez pas, il ne suffit pas de trouver un bon système de communication pour que l’enfant ou le jeune s’en saisisse et communique. Rien n’est miraculeux, ça demande de l’investissement et du temps, surtout au départ. Il va falloir modéliser pour que votre enfant comprenne comment faire et parvienne à s’en saisir. Mais ça vaut la peine !
Cela fait plus de 15 ans que nous travaillons la CAA avec notre fils. Nos outils ont évolué parce que Pablo a grandi et avec lui ses capacités et ses besoins. Malgré un très bon niveau de compréhension, Pablo oralise très peu, quelques monosyllabes qui correspondent à des mots que seul nous, sa famille proche, comprenons. Cependant, il communique beaucoup !
L’apprentissage des gestes et la reconnaissance des pictogrammes MAKATON fut un processus long et il a fallu l’investissement de toute la famille pour créer un environnement modélisant. Pablo avait un classeur rempli de pictogrammes pour communiquer et un emploi du temps visuel (avec des pictogrammes aussi) pour lui permettre d’anticiper le déroulement de sa journée et de diminuer ainsi l’angoisse face à l’inconnu. Puis, on a pu mettre en place un semainier et, enfin, un calendrier mensuel. Tout un processus qui lui a permis de bien se repérer dans le temps et de mieux appréhender les imprévus.
Il ne faut pas sous-estimer l’outil extraordinaire de communication qu’est le cahier de vie. Rien de plus motivant que de « raconter » son week-end ou ses vacances avec des photos. C’est à la portée de tous et c’est un cadeau précieux qui raconte mieux que tout qui est votre enfant.
Le problème avec la CAA est que pas tout le monde y est formé. C’est là que de bons outils numériques peuvent faire la différence. Pourquoi ? Parce qu’un smartphone est plus léger à transporter qu’un classeur rempli de pictogrammes et surtout parce qu’il permet d’oraliser, de donner une voix à celui qui n’en a pas.
Mais même avec une application créée sur mesure par ses frères, PICTALK, il a fallu du temps et de l’apprentissage. Aucun outil ne se suffit à lui-même, il faut passer par la case modélisation.
Aujourd’hui, Pablo communique de mieux en mieux et ne cesse de progresser. Il communique encore avec les gestes MAKATON pour les demandes simples mais la plupart du temps il utilise PICTALK avec son smartphone. Je me suis inspirée de la méthode PODD pour penser ses classeurs de communication numériques. Dans chaque classeur Pablo peut trouver tous les pictogrammes relatifs à un domaine (nourriture, activités, courses…). Ainsi, au début, il a appris à faire des phrases en combinant des pictogrammes. Les classeurs numériques ont fonctionné également comme une sorte de dictionnaire. Pablo a mémorisé des centaines de mots et il a une lecture globale fonctionnelle. Il est capable d’écrire des messages adaptés, de les oraliser ou de les envoyer par message grâce à son smartphone. Nous tâchons d’anticiper ses futurs besoins de communication et d’organisation afin de le préparer au mieux à sa vie adulte. L’utilisation de l’AGENDA CAA avec pictogrammes a été également un facteur de progression. Elle permet à Pablo de visualiser le déroulement de ses journées, semaines et mois à venir, de se préparer aux évènements. Il se repère très bien dans le temps maintenant.
Pour le rendre plus autonome, des « séquences visuelles » sont intégrées dans son AGENDA CAA. Très pratiques pour décomposer les tâches quotidiennes complexes, telles que « se préparer le matin » qui comportent plusieurs actions : se laver, s’habiller, se coiffer, se brosser les dents…, mais également « préparer sa valise » avant le départ en vacances, par exemple. La séquence visuelle montre la progression des actions à faire via des pictogrammes à valider. De cette façon, les processus complexes sont mémorisés et intégrés à la routine.
Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir à notre portée une pléthore d'outils pour communiquer. Dans cette Journée Internationale des personnes en situation de handicap, donnons-leur les moyens de prendre part à la société et de faire entendre leur voix. La meilleure méthode est celle qui est adoptée.